La crise industrielle actuelle pousse de nombreuses entreprises au bord du gouffre. Cependant, au lieu de se résigner, des salarié·es se battent pour défendre leurs emplois et préserver leur outil de production. Ce récit met en lumière six cas exemplaires où les travailleurs, avec le soutien des syndicats, ont réussi à sauver leur entreprise, offrant ainsi des perspectives d’avenir à leurs territoires. L’histoire de ces luttes ne se limite pas au monde du travail. Elle illustre aussi la puissance des récits collectifs et le potentiel de transformation des situations les plus désespérées. Ce parcours nous invite à réfléchir sur l’importance de l’engagement collectif et de la solidarité au sein des entreprises face aux défis contemporains.
- Le cas de Gardanne : d’une centrale à charbon à une unité biomasse
- Chapelle-Darblay : retour à la vie d’une usine papetière
- Fonderie de Bretagne : un modèle de diversification réussie
- Duralex : l’aventure d’une reprise coopérative
- Valdunes : une lutte pour la décarbonation de l’industrie
- Arcelor-Mittal : la nationalisation comme issue possible
Le cas de Gardanne : d’une centrale à charbon à une unité biomasse
La centrale de Gardanne, comme d’autres en France, a subi l’impact de choix technocratiques imposés par la directive européenne de 2006. Cette directive, visant à réduire l’usage du charbon, a mis en péril l’existence de l’unité d’exploitation, menaçant des centaines d’emplois. À la suite de cette impasse, les salarié·es, mobilisés par la CGT, ont décidé de se battre pour un avenir différent basé sur un projet de biomasse. Ce projet, qui a germé et évolué pendant sept longues années, montre que la transition écologique ne doit pas rimer avec abandon des outils de production.
Une mobilisation exemplaire pour la réindustrialisation
Au fil des années, les salarié·es de Gardanne ont non seulement gardé vivante l’activité de la centrale, mais ont aussi élaboré un projet ambitieux de reconversion industrielle. Ce projet relie étroitement enjeux écologiques, souveraineté énergétique et emploi local. La lutte a abouti à des résultats concrets avec l’embauche de nouveaux travailleurs et l’installation d’une unité de production d’électricité à partir de biomasse de bois.
Depuis novembre 2025, les premières embauches témoignent d’une volonté de construire un avenir durable en plaçant les travailleurs au centre des décisions. L’expérience de Gardanne est un exemple tangible que les transitions peuvent être à la fois écologiques et socialement responsables. Les salarié·es ont prouvé qu’il est possible de transformer des menaces en opportunités en engageant une réflexion sur la capacité de chaque territoire à se réinventer.
Chapelle-Darblay : retour à la vie d’une usine papetière
La Chapelle-Darblay, usine emblématique de l’économie circulaire, a temporairement fermé ses portes en 2019 sous la menace de l’arrêt définitif. Toutefois, après six ans de mobilisation acharnée, les salarié·es ont réussi à garantir sa réouverture. La préemption du site par la Métropole Rouen Normandie en 2022 a constitué un tournant, préservant la vocation papetière de l’usine. Ce fut une lutte aussi bien contre l’indifférence que pour redonner une seconde vie à une structure crucial pour l’économie locale.
Les enjeux d’une réouverture durable
La réouverture de Chapelle-Darblay est plus qu’un simple retour à la vie pour une usine ; elle symbolise la victoire d’une communauté et d’un modèle de préservation des emplois. Prévue pour 2028, la nouvelle activité visera à produire du papier ondulé d’emballage, tout en intégrant des installations de chaudière biomasse et de stations d’épuration biologique pour assurer une empreinte écologique minimale. En tout, 170 emplois locaux seront ainsi préservés, renforçant le tissu industriel et social d’une région touchée par la fermeture de plusieurs sites.
Fonderie de Bretagne : un modèle de diversification réussie
La Fonderie de Bretagne, ancienne filiale de Renault, a été au cœur d’une lutte pour sa survie. Vendue à un fonds d’investissement, l’entreprise a d’abord été mise en danger par un manque d’engagement stratégique. Face à cette incertitude, les salarié·es ont su faire preuve d’innovation en diversifiant leur portefeuille de clients et en modernisant leur outil de production. Cela a permis de sortir peu à peu de la dépendance à Renault, créant ainsi un espace pour de nouveaux contrats dans des secteurs variés.
Un avenir tourné vers la durabilité
Engagée dans une démarche d’ efficacité énergétique, la Fonderie de Bretagne vise une réduction significative de sa consommation d’énergie d’ici 2028. Avec des investissements dans des projets d’énergie renouvelable comme une ferme photovoltaïque, elle incarne un modèle industriel alliant performance économique et responsabilité environnementale. L’interaction entre les salarié·es et leurs représentants syndicaux a été cruciale pour faire entendre leur voix au sein des discussions avec les investisseurs et les autorités.
Cette mobilisation a également attiré l’attention d’un nouvel investisseur, qui a promis d’apporter des productions nouvelles. Malgré des obstacles, la lutte pour la Fonderie de Bretagne démontre que l’engagement et la solidarité peuvent créer des résultats positifs et durables pour l’industrie locale.
Duralex : l’aventure d’une reprise coopérative
Duralex, célèbre pour sa production de verre trempé, a connu sa part de turbulences avec plusieurs changements de propriété et des problèmes de gestion. Lorsque la menace de cessation d’activité est devenue réelle, les salarié·es se sont unis pour proposer un projet de reprise sous forme de coopérative. Validée par le tribunal, cette initiative a permis à presque 60 % des travailleurs de devenir associé·es, renforçant ainsi l’engagement au sein de l’entreprise.
Revalorisation et modernisation de l’outil de production
Depuis la création de la SCOP en 2024, les salarié·es s’attaquent à la remise en état de l’équipement industriel, tout en relançant la production de leurs produits phares. Le nouveau modèle de gouvernance démocratique permet une prise de décision collective, favorisant ainsi une dynamique positive et un sentiment d’appartenance. Cette approche innovante offre une perspective d’avenir prometteuse alors que la SCOP se fixe des objectifs de modernisation de ses installations.
Le soutien financier, par le biais de levées de fonds publiques, est également un aspect tournant dans cette aventure. La SCOP Duralex se présente comme une lueur d’espoir pour le secteur verrier français, prouvant que les salarié·es peuvent prendre en main leur destin et proposer une solution viable dans un contexte économique incertain.
Valdunes : une lutte pour la décarbonation de l’industrie
La mobilisation des salarié·es de Valdunes a mis en lumière les enjeux contemporains de la décarbonation. Face à une situation de crise, tous se sont organisés pour préserver cet outil industriel unique. Grâce au travail de la CGT et à des actions syndicales coordonnées, ils ont réussi à créer des synergies avec divers acteurs, notamment l’État, les collectivités locales et les entreprises du secteur ferroviaire.
Une stratégie axée sur la transition environnementale
En intégrant la thématique de la décarbonation dans leur projet de reprise, les travailleur·ses de Valdunes réussissent à faire reconnaître l’importance d’une industrie qui ne se limite pas à sa rentabilité immédiate. Une approche consciente de l’environnement, couplée à une volonté de sauver des emplois, montre que la défense des droits des travailleurs peut également passer par l’innovation verte.
L’initiative de Valdunes illustre que l’avenir de l’industrie peut être réinventé à travers le prisme du développement durable, et que des luttes collectives peuvent mener à des bénéfices à la fois économiques et environnementaux. La mobilisation des salarié·es, en lien avec les collectivités, offre un modèle à suivre pour les autres secteurs.
Arcelor-Mittal : la nationalisation comme issue possible
La lutte des salarié·es d’Arcelor-Mittal a pris une approche collective et politique sans précédent. La mobilisation en faveur de la nationalisation de l’usine a illustré la force du mouvement ouvrier. En dépit des obstacles politiques, cette demande de nationalisation ouvre la voie à des alternatives viables pour restructurer l’industrie et protéger les emplois.
Un appel à une réforme industrielle nécessaire
Face à la réticence des décideurs, le recours à la nationalisation apparaît non seulement comme une réponse aux défis économiques, mais aussi comme une nécessité pour garantir un avenir à des milliers d’emplois en danger. La lutte des salarié·es d’Arcelor-Mittal incarne l’urgence d’une réflexion sur la gestion des entreprises et les conséquences de la privatisation.
Les expériences vécues par ces six entreprises révèlent des modèles de résilience et d’innovation qui pourraient inspirer d’autres secteurs. En mettant l’accent sur la défense des emplois et la vitalité du tissu industriel, ces luttes incarnent des réponses concrètes aux préoccupations économiques contemporaines.
